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Souriez vous êtes filmés...

C’est bien connu, on n’arrête pas le progrès… Les écoutes téléphoniques font aujourd’hui pâles figures face aux progrès de la technologie. Et ce n’est pas seulement dans l’espionnage et le contre-espionnage que ces moyens sont mis en œuvre. Caméras, biométrie et géo-localisation ont fait leur entrée dans certaines entreprises. Bien entendu, certaines ont à se protéger de l’espionnage industriel, vieille arme de la guerre économique qui fait rage. Mais une caméra cachée dans les toilettes de l’usine automobile « Smart France » en Moselle est-elle de nature à protéger les secrets de fabrication ?

Cette affaire a été jugée, et, la décision est en cours d’appel. Plus récemment, une autre affaire défraye la chronique, l’auteur des « Guignols » de Canal+ aurait été surveillé de près par le directeur de la sécurité. Il ne s’agit là que de cas connus… Mais est-ce vraiment la technologie qui fait ainsi intrusion dans la vie privée ? Est-ce réellement les technologies qui sont en cause ? Que le management de l’entreprise ait un rôle et une mission de « contrôle » sur les activités, les missions réalisées, la production des collaborateurs est bien dans l’ordre des choses. Mais contrôler les activités ce n’est pas contrôler les personnes…ce glissement sémantique lorsqu’il est avéré ce traduit ipso facto dans les pratiques. Et, une caméra dans les toilettes n’est pas sans rappeler les plus belles heures du Taylorisme dans sa version la plus brutale : le contrôle de l’individu. Ces pratiques sont bien entendu condamnables du point de vue du droit. Mais tentons d’aller au delà. La culture d’entreprise qui autorise de telles pratiques ne serait-elle pas celle qui fait disparaître « le collaborateur sujet » au profit « du collaborateur objet » ? Car c’est bien la logique d’un système et les modalités du pouvoir qui sont à l’œuvre, on n’imagine mal, le PDG de chez Smart venir installer lui-même, en catimini, la caméra dans les toilettes… Aussi, lorsque l’autre, l’individu est ravalé à une position d’objet, les limites posées par le droit, la morale, l’éthique volent en éclat. Dans ces cas, c’est la perversion qui est aux commandes…

Éditorial de Philippe Bigot
juin 2005