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De l'empathie ...

Depuis bien longtemps, le rat de laboratoire subit pour faire avancer la connaissance scientifique, toutes sortes de traitements. Au-delà du fait que le rat de laboratoire n’a guère de moyens pour dire son désaccord, la question peut se poser du vécu et du ressenti qui peuvent être les siens en particulier lorsqu’un membre du groupe se trouve en difficulté. Une équipe de scientifiques s’est attelée à cette tâche…

Une équipe japonaise s’est fondée sur une hypothèse : savoir si les rats, dont il est déjà connu et démontré qu'ils peuvent ressentir de l'empathie, peuvent la développer jusqu'à manifester des comportements « prosociaux ». Apporter de l’aide à l’autre, sans chercher un bénéfice ou être motivé par une récompense. Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont donc développé un dispositif qui, observé à partir d’une perspective anthropomorphique, ne manque pas de cruauté. Ainsi, ils ont créé une cage avec deux compartiments transparents : dans un premier, ils ont mis de l'eau à un niveau assez élevé, et rien dans l'autre, alors totalement sec. Entre les deux, une petite trappe qui s'ouvre grâce à un mécanisme à actionner. Un mécanisme de passage fort classique pour les rats de laboratoire… Ils ont ensuite plongé un rat dans le compartiment inondé – en situation d’être au bord de la noyade à tout instant - et un autre rat dans le compartiment resté sec. Ils ont rapidement constaté que le rat au sec va spontanément venir en aide à son congénère qui risque la noyade. Il va pour ce faire apprendre, plus ou moins rapidement, à se servir du mécanisme d'ouverture de la trappe, et ce, sans qu’aucune récompense ne soit donnée. Prolongeant l’expérience, les chercheurs vont intervertir les rats : le rat qui a déjà été en danger de noyade va aider beaucoup plus rapidement son camarade qu'un rat qui n'a jamais été plongé dans le compartiment inondé. Au terme de cette expérience, une question restait alors ouverte pour valider l’hypothèse d’une empathie : est-ce que le rat « sauveteur » va au secours de son camarade parce qu'il ressent le danger, ou simplement, parce qu'il cherche un compagnon de jeu ; parce qu’il s’ennuie dans son compartiment bien qu’à l’abri du danger ? Pour trancher cette question, les chercheurs ont donc créé une cage à trois compartiments. Deux compartiments secs et le troisième inondé. Dans ce dispositif, le rat « sauveteur » va bien aider le rat dans la cage inondée ; il ne va pas rejoindre tranquillement son congénère qui lui est bien au sec, à l’abri du danger. Pour cette équipe, toutes ces observations viennent soutenir l'hypothèse d'une empathie associée à une forme de conscience de la détresse ressentie par un congénère en danger. Une hypothèse qui devient un comble pour notre empathie, humaine, à l’heure de l’exode en méditerranée de ceux qui cherchent à sauver ce qu’ils ont de plus précieux, leur vie et celle de leurs enfants. Ils se noient, tombent dans les mains de mafias ou sont enfermés dans des camps. Que feraient les rats ?

Éditorial de Philippe Bigot
juin 2021