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Opinion sacrée...

Vous pouvez entrer sereinement dans la lecture de votre édito de rentrée, il n’y sera pas question de « pass sanitaire » ! Les avis personnels sont par définition très nombreux sur le sujet, là où, « l’opinion » se manifeste principalement comme un bruit de fond. Le paradoxe surgit ici. Alors que la prise de la parole s’est démocratisée par le truchement des réseaux sociaux, l’opinion reste difficile à appréhender, bien souvent irrationnelle et irréfléchie, voire délirante.

Ainsi, exprimer ce que l’on a dans la tête, faire entendre ce qui nous semble juste, injuste, vrai ou faux, bon ou mal et in fine avoir un avis sur tout est dorénavant à la portée de chacun qui peut trouver dans les moyens techniques, un accès à un auditoire pour délivrer une parole publique qui est bien souvent anonyme. Mais nous parlerons une prochaine fois de cette parole anonyme. Force est de constater que « l’opinion » vit ses plus belles heures grâce aux réseaux sociaux. Les questions soulevées par l’opinion ne sont pas très nouvelles, rappelons que Platon reprochait justement à l’opinion d’être en deçà de la vérité. Le rapport au vrai n’est pas le seul problème que pose l’opinion. Un autre aspect est qu’une opinion, on ne la garde jamais pour soi ! Est-ce un bien ou un mal ? Nous laisserons soigneusement ce débat de côté... D’aucuns peuvent regretter le silence, là où d’autres se réjouissent du brouhaha. C’est du reste une autre caractéristique de l’opinion, elle n’est jamais finie, jamais close n’intégrant pas le point final dans sa ponctuation. Car une opinion en entraine une autre dans un mouvement qui ne cesse, bien souvent, de tourner sur lui-même. Le problème de l’opinion consiste dans sa profusion décousue, désordonnée, floue, et pas seulement dans son manque de véracité qui parait relégué dans les limbes. Les débats de l’opinion ne consistent pas à déterminer si une opinion serait vraie ou fausse mais plutôt d’affirmer si elle est bonne ou mauvaise. Une substitution s’est opérée renvoyant le vrai à une relativité qui en vient à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Le projet de Platon était d’évincer l’opinion, une perspective peu réaliste. Il est parfois des voix pour dire que l’opinion devrait être encadrée, maitrisée. Mais dans ce cas serait-ce encore de l’opinion si elle devait être normalisée, définie ? Rien n’est moins sûr. Au fond, n’est-ce pas en considérant « l’opinion » comme un lieu et un vecteur de communication que nous nous fourvoyons ? La fonction de l’opinion n’est probablement pas communicationnelle quand bien même celui qui s’exprime est convaincu de dire ce qu’il pense ce qui n’implique pas, d’ailleurs, qu’il pense ce qu’il dit. Sur ce point, laissons le mot de la fin à Jacques Lacan : « voilà la grande erreur de toujours, s’imaginer que les êtres pensent ce qu’ils disent » …

Éditorial de Philippe Bigot
septembre 2021