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Catastrophe...

Voici une nouvelle rentrée placée sous le signe de la catastrophe que nombre d’experts « ès catastrophes » prédisent. Un premier tri s’impose avec d’un côté le catastrophisme comme fond de commerce de celles et ceux de nos politiciens qui en font un instrument, de celles et ceux pour qui la pensée complotiste est un acte de vérité, de celles et ceux pour qui le pessimisme est la seule façon d’appréhender la réalité ; et repérer de l’autre côté, un catastrophisme fondé sur les faits, les analyses qui en découlent et, les prévisions qui les accompagnent. Comment ne pas être pris par une peur exagérée face à la catastrophe alors qu’elle n’est pas un risque connu ? Les temps changent et le catastrophisme d’hier et celui d’aujourd’hui semble bien avoir changé de nature…

Notre histoire collective ne manque pas de catastrophes, la grande peste noire du moyen-âge qui décima la moitié de la population européenne ; la shoah mot hébreu pour désigner l’innommable extermination de six millions de personnes en raison de leur judéité. La liste serait bien longue à poursuivre. Sur un tout autre registre presque folklorique, rappelons-nous les discours de nombreux groupes notamment millénaristes annonçant la fin du monde, un peu avant le passage à l’an 2000. Et si une catastrophe n’en chasse pas une autre, il s’avère que la nature de la catastrophe a muté. Le mot catastrophisme jusqu' il y a peu, n'était pas une catégorie ; en effet, le catastrophiste était celui qui voyait des catastrophes partout, qui exagérait chaque danger, anticipant la fin « de tout » et incarnant à lui seul les ressorts de la fable Pierre et le loup. Le catastrophisme, était alors, une sorte de pathologie fondée sur des croyances individuelles susceptibles de s’étendent à un groupe. En quelque sorte, une pathologie du rapport à la catastrophe se faisant alors destructrice. Le catastrophisme aujourd'hui ne désigne plus seulement cette pathologie subjective et principalement individuelle ; sa nature a muté puisqu’elle n’est plus maintenant de l’ordre de la croyance mais du fait démontrant la possibilité d’une destruction, incommensurable, incompensable par une assurance ou une réparation relative à notre existence même. Le catastrophisme est le symptôme du problème de notre temps, ce problème possible de la fin du monde, d'une catastrophe réelle et globale. Elaboré récemment dans le champ de la philosophie, le catastrophisme est devenu une catégorie générale qui vise à penser notre histoire sous le signe du risque global, du risque de destruction totale, et d'en faire un outil de réflexion et surtout de débats. Impossible d’oublier les images des feux, des inondations, des températures insoutenables de l’été en certains endroits de la planète comme autant de signaux d’une catastrophe annoncée. Notre planète n’en peut plus de l’exploitation que l’homo economicus lui inflige. Les ressorts de la catastrophe sont connus, l’heure n’est plus aux mesurettes mais au pragmatisme des solutions à déployer. A l’instar des autres champs, les solutions ne sauraient ici se construire dans l’espace problème et avec les termes de ce dernier. C’est à un changement de « niveau 2 », pour reprendre les termes de « Palo Alto », c’est-à-dire à un changement de paradigme que nous engage l’état de la planète. L’enthousiasme de participer à la transformation menant vers un monde qui préservera le vivant peut alors se substituer – au moins en partie – à la peur de la catastrophe. Une page de l’histoire du devenir de l’humanité est en train de s’écrire dont nous devons, individuellement et collectivement, nous considérer auteur et acteur.

Éditorial de Philippe Bigot
septembre 2022