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La tyrannie de l’idéal…

Symptôme de la violence économique qui sévit, les organisations, par la voix managériale sont dans l’exigence d’un « toujours plus » et d’un « toujours mieux » qui n’ont pas grand-chose à voir avec le travail bien fait, le bel ouvrage. Il est saisissant de constater combien dans ce type d’organisation des collaborateurs répondent à l’injonction d’avoir à se dépasser, toujours, de faire de la performance, encore et encore, d’arriver au bureau sourire aux lèvres, quelque soit la météo de l’existence… Avec en bas du relevé de note : « En progrès mais peut mieux faire » !

Bien entendu, nous ne pouvons que nous féliciter de la propension de l’être humain à vouloir aller vers le meilleur, le progrès, « l’excellence », faute de quoi nous en serions probablement encore, à frotter le silex… Tout autre chose est « l’excellence » posée comme un impératif catégorique auquel les personnes doivent se soumettre. L’idéal qui incite à faire reculer les limites devient tyrannique lorsqu’il est posé comme un impératif requérant la soumission. Sous le visage du progrès, de la performance et du dépassement, cet idéal (du moi pour reprendre la terminologie freudienne) peut alors devenir féroce, exigeant toujours plus de la personne, jusqu’à son épuisement… Ce type de fonctionnement organisationnel et managérial n’est alors pas sans risques. L’idéal affiché comme la norme est d’autant plus risqué lorsqu’il se fait l’écho du « moi idéal » des collaborateurs qui trouvent alors - de façon aussi illusoire qu’éphémère - une satisfaction sans qu’ils n’en mesurent toujours le prix à payer. La culture du zéro défaut, la religion de la performance et du résultat sont probablement les dimensions paroxystiques d’un idéal du moi qui a pris les commandes : c'est-à-dire qu’il décide et ordonne. C’est bien parce que ce type de fonctionnement convoque des mécanismes psychiques existants en chacun qu’il devient pérenne. Combien d’individus consomment des substances licites ou non pour tenir et rester dans le coup ? De la recherche du progrès à l’injonction de l’excellence, il y a un pas à ne pas franchir parce qu’il s’avèrera plus coûteux que profitable. L’abus d’excellence est mauvais pour la santé…

Éditorial de Philippe Bigot
juin 2017