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Rentrez comme vous êtes…

Il est des slogans qui ne laissent pas indifférent. La fameuse enseigne du hamburger façon fast-food, reconnaissable par un M jaune qui décore nos villes et nos territoires repart en campagne avec son leitmotiv : « Venez comme vous êtes ». Une chance…

Quoi de plus banal que ce message publicitaire : « Venez comme vous êtes » ? Nous devrions nous estimer heureux d’être reçus chez eux comme « on » est. La force du slogan tient aussi du fait qu’il se comprend par son envers : pas besoin d’être quelqu’un d’autre que soi pour se « restaurer » chez McDo. Mais le slogan semble porter sa part obscure : peut-on venir comme on n’est pas ? De fait, on suit rigoureusement et à la lettre le slogan « Venez comme vous êtes ». Il est ainsi requis de savoir qui « on » est avant d’entrer chez McDo. On voit que l’introspection devient de facto un préalable nécessaire pour consommer du fast-food. La question n’est pas sans nous tarauder : saura-t-on jamais qui on est ? Alors s’il faut que je sois moi-même pour consommer chez McDo et donc que je sache qui je suis afin de pouvoir être vraiment moi-même... je me retrouve dans une insoluble contradiction au moment de franchir le seuil de la porte du « restaurant ». Puis-je venir comme je suis sans savoir qui je suis ? Si je ne suis pas sûr de ma réponse à la question, il me reste à trouver les lieux dans lesquels je peux « venir comme je ne suis pas ». Des lieux de restauration dans lesquels l’authenticité du « venir comme je suis » n’est pas la norme. Or, si je ne viens pas comme je suis dans cette authenticité du « comme je suis », à quelle position suis-je donc ravalé si j’ai renoncé à être comme je suis ? La question devient épineuse à la mesure d’un slogan qui nous projette dans les affres de sujets existentiels. A l’insoutenable de l’existentiel, McDo offre une vision et une réponse : l’immédiateté de la pulsion à satisfaire sans ambages et surtout « sans chichi ». Consommation instantanée, produits identiques et pour tous dans le monde, satiété immédiate et, moins de quinze minutes passées par le client, à consommer dans le restaurant. Au « venez comme vous êtes » s’adressant à la diversité et même à la singularité de chacun, McDo répond en traitant chacun à l’identique. Ces « mêmes », tous simples, que l’enseigne sait si bien comprendre, accepter et accueillir, à défaut de les nourrir… Le slogan fondateur avait annoncé la tonalité : « I’m loving it » à traduire par « c’est tout ce que j’aime » peut s’entendre et se comprendre comme « je n’aime que ça »... L’Homme n’est pas seulement un animal social c'est-à-dire doué et doté de la parole, pour reprendre l’affirmation d’Aristote, il est surtout un être de langage. Ainsi le monde dans lequel nous vivons est un monde de langage et chacun de nous s’y trouve pris, relié et noué. Aucun message, slogan ou discours ne saurait être neutre. Alors… Frites ou « potatoes » ?

Éditorial de Philippe Bigot
septembre 2017