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Sacrées mathématiques, mathématiques sacrées…

Une erreur s’est glissée dans les calculs, le modèle mathématique présentait une « petite » erreur, une faiblesse dans le « multiplicateur fiscal » pour ne rien cacher. Le FMI à défaut de nous transmettre ses vœux, nous adressait dans son rapport publié dans les tous premiers jours de janvier, ses aveux ! Au moins peut-on saluer l’initiative de cet économiste, O. Blanchard que de reconnaitre ainsi officiellement une erreur ; ce n’est pas aussi courant que cela de la part d’un haut responsable. Il faut dire quand même que cette « erreur » touche quelques millions d’européens…

Or donc les plus hautes instances économiques mondiales et européennes se sont fourvoyées en édictant certaines mesures économiques à toute l’Europe comme seul remède évident et incontournable aux maux budgétaires et cela au nom de la science mathématique. Sauf qu’il y a un couac. Le modèle mathématique sur lequel reposaient les mesures économiques visant au désendettement et au retour à l’équilibre budgétaire comportait une « erreur » au niveau du « multiplicateur fiscal ». Le modèle mathématique qui prétend à la neutralité, à l’objectivité, à la fiabilité et par là à être incontestable prévoyait qu’en retirant 1€ dans le budget d’un état européen, il en manquerait alors 1 dans ces mêmes états. Il se trouve que cette prévision issue d’une lecture mathématico-statistique s’avère fausse. Elle est fausse pour une raison très triviale qui tient au fait que les Hommes sont humains… c'est-à-dire qu’ils ne sont pas réductibles aux modèles mathématiques, ne peuvent se soumettre à la seule logique rationnelle, ne saurait se soustraire à la subjectivité et aux affects qui caractérisent l’espèce humaine même. Le « multiplicateur fiscal » n’avait pas prévu les réactions subjectives et collectives (panique, peur, repli…) qui ont abouti à ce que 1€ retiré dans les budgets des pays s’est traduit par la perte de 3€ dans les budgets de ces mêmes états. Le multiplicateur de l’erreur à quant à lui parfaitement fonctionné sur une échelle de plusieurs centaines de milliards d’euros. Le modèle mathématique d’une parfaite objectivité n’a fait qu’amplifier le problème qu’il était censé résoudre. Cet état de fait est sans aucun doute un nouveau désaveu pour ceux qui n’ont de cesse que de chercher à évacuer le sujet et sa subjectivité. En effet, quoi de pire que la subjectivité qui n’est jamais là où on l’attend… Mais ceci n’est peut être pas l’essentiel. Le plus incroyable est ailleurs : il aura fallu attendre de s’apercevoir que quelque chose n’allait pas dans une équation pour que les experts admettent que quelque chose n’allait pas dans la réalité. Les effets délétères des 3€ perdus pour chaque euro retiré du budget n’étaient pas reconnus pour ce qu’ils étaient tant que la « grille de lecture » ne le disait pas. Bref, tant que le modèle n’informe pas d’un problème alors… il ne peut y avoir de problème. Les signaux de la réalité ne pouvaient être perçus tant que le modèle ne les rendait pas signifiants. Lorsque l’expert en vient à confondre la carte avec le territoire, lorsque la virtualité des calculs l’emporte sur une simple observation du réel, alors, nous pouvons nous inquiéter. Un exemple que ne démentiraient pas les frères Goncourt pour qui « lastatistique est la première des sciences inexactes »…

Éditorial de Philippe Bigot
février 2013