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Déchiffrer

Le chiffre s’impose à nous comme porteur d’une rationalité, d’une objectivité, il formaliserait ainsi le réel qu’il désigne levant ainsi le voile sur la vérité… Et s’il à force de loi, s’il est posé au rang de mesure étalon, de seule référence alors le chiffre peut installer une illusion tout en déconstruisant – l’air de rien - ce qui fait lien… social.

Le chiffre envahit l’espace social, et, survaloriser la logique quantitative et son cortège de critères a quelque chose d’inquiétant. Prendre le risque de défaire le lien social pour faire du chiffre, sacrifier la sociabilité à la rentabilité et ériger le critère quantitatif au rang de référence suprême peut conduire à un désastre. Qu’on y songe. Le chercheur est évalué au nombre d’articles qu’il a publié dans des revues elles-mêmes habilitées – sans préjuger du fond de la publication…, un agent de police au nombre de contraventions, la valeur d’une émission à son audimat, la qualité d’un film à son nombre d’entrées (dès le premier jour de sa sortie en salle !), ici ou là, les personnels et parfois l’avenir d’une entreprise sont ruinés pour faire monter la cote de l’action boursière, il est même envisagé un chiffrage ethnique pour mieux compter les discriminations (les paradoxes ont de beaux jours devant eux…) et reste à venir, notre propre valeur relationnelle indexée sur le nombre « d’amis » référencé par Facebook… ! Le chiffre devient inquiétant lorsqu’il devient le vecteur d’une idéologie, le chiffre peut rendre fou lorsqu’il est transformé en mot d’ordre. A prendre un moyen, le chiffre, comme une fin en soi, les conséquences dans l’espace social peuvent s’avérer dévastatrices. Le chiffre et sa politique demandent sérieusement à être déchiffrés…

Éditorial de Philippe Bigot
septembre 2013