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Toujours plus…

Il est frappant d’observer comment certains discours managériaux sont dans l’exigence d’un « toujours plus » et d’un « toujours mieux » vis-à-vis de leurs collaborateurs tout en envoyant des signes de reconnaissance de façon aussi pauvres que relatifs. Et il est tout aussi frappant de voir comment des individus répondent à l’injonction (sans même la repérer parfois) d’avoir à se dépasser, toujours, de faire de la performance, encore et encore, d’arriver au bureau sourire aux lèvres, quelque soit leur météo existentielle…

Nous ne pouvons que nous féliciter de la propension de l’humain à vouloir aller vers le meilleur, le progrès, « l’excellence » faute de quoi nous en serions peut être encore à frotter le silex… Tout autre chose est « l’excellence » posée comme un impératif catégorique auquel les personnes doivent se soumettre. L’excellence comme idéal qui se transforme de facto en excellence « comme norme ». Ainsi l’excellence ne peut que rencontrer un vrai succès chez les individus. Elle vient tout d’abord se nicher dans la recherche de gratification narcissique en proposant une perspective au « moi idéal ». Lorsque l’excellence bascule du côté de l’idéal du moi, elle incite à dissoudre les limites pouvant très vite se faire « tyran », exigence un « toujours plus » puisque ce n’est jamais assez… Sous les apparats du progrès, de la compétition économique et du dépassement, l’excellence confondue avec l’idéal devient féroce, rigide, exigeant de la personne son épuisement… Ce type de fonctionnement organisationnel et managérial n’est bien sûr pas sans risques pour la santé. Quelle soit physique et psychique. La culture du zéro défaut, le culte de la performance et du résultat sont probablement les dimensions paroxystiques de l’idéal de l’excellence. Cet « idéal d’un moi excellent » peut alors prendre les commande, le voici qu’il décide et qu’il ordonne. C’est bien parce que ce type de fonctionnement convoque des mécanismes psychiques existants en chacun qu’il devient pérenne. Combien de cadres consomment des substances licites ou non pour tenir et rester dans le coup ? De la recherche du progrès à l’injonction de l’excellence, n’y a-t-il pas un pas à ne pas franchir parce qu’il s’avèrera plus coûteux que profitable ?

Éditorial de Philippe Bigot
mai 2013