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Leurre de vérité...

Pour installer un culte mieux vaut commencer tôt. De la performance comme objectif à la performance comme valeur et idéologie il n’y a qu’un pas, déjà largement franchit. Nombres d’auteurs des sciences sociales, du management et médecins du travail alertent depuis des années sur le sujet. Dans beaucoup d’organisations, la performance est devenue un alpha et un oméga, l’échec est banni, elle est l’objet de tous les sacrifices y compris les plus vitaux… Le phénomène fait « tâche d’huile » au point que les psychologues spécialistes de l’enfance tirent la sonnette d’alarme…

Plus que jamais la mesure du QI a le vent en poupe. Signe des temps, l’enfant fait l’objet d’un surinvestissement de la part de la famille, de l’école, de la société. Sans performance point de salut. Alors les consultations de psychologie pour enfant ne désemplissent pas avec un leitmotiv, le QI rien que le QI. Le plus souvent parce qu’il est en difficulté voire en échec scolaire, l’enfant est soupçonné par les parents d’être un surdoué qui s’ignore. La mesure du QI viendra alors le démontrer. Sauf qu’un QI supérieur ne se trouve qu’auprès de 2,2% de la population, et là, le mythe produit ses effets de réel, les dégâts commencent. Que se passe t-il lorsque le verdict du QI ne donne pas le chiffre attendu ? Lorsque l’enfant ne présente pas les caractéristiques du « génie » ? Autant de dégâts chez l’enfant, autant de dégâts chez les parents dont le narcissisme en prend un coup. Alors l’insistance devient de mise. Si le score n’est pas bon c’est qu’il y a erreur dans le calcul ! Allons voir un autre psy… dont certains pour faire face à la demande font passer des tests « allégés » offrant des notes de QI plus « tolérantes ». Aux dérives finissent pas s’ajouter les malentendus. Le test du QI d’Alfred Binet, conçu au moment des lois de Jules Ferry rendant l’école obligatoire devait alors identifier les enfants « déficients » qui ne seraient pas en capacité de suivre le cursus classique. Aujourd’hui, sous le poids de la demande, le test du QI doit démontrer que l’enfant est « surdoué » pour expliquer ses difficultés… un renversement de tendance en somme. Cette frénésie de la mesure du QI en arrive même à esquiver un autre débat, bien plus fondamental : celui de son utilité même. Les études ne manquent pas mettant en évidence les dimensions partielles, réductrices de la mesure du QI qui installe un leurre alors que la vérité du sujet est ailleurs. La culture de la performance est un avatar de la culture du contrôle, de la mesure, et vice et versa. La quête du QI devient le symptôme chez l’enfant qui annonce les symptômes de l’adulte au travail : antidépresseurs, stimulants de toute nature dont les français ont la palme mondiale, mal (à) être et souffrance. Les symptômes d’une société qui s’engage dans l’ère de la performance comme idéal.

Éditorial de Philippe Bigot
juillet 2007