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Réalités et fictions

Depuis quelques années le cinéma français porte à l’écran le monde du travail et la complexité des relations, des situations qui s’y vivent. Sorti le 12 septembre dernier, « la question humaine », invite à l’introspection, à une réflexion éthique. Le ressort du scénario - adaptation du roman de François Emmanuel – articule avec beaucoup d’adresse et de subtilité réalités et fictions au point de faire voler en éclats les frontières rassurantes qui les séparent…

Quel est le sujet du film ? Simon est psychologue du travail. Il est employé à la direction des ressources hmaines d’une importante société de pétrochimie, filiale d’une multinationale allemande. La mission quotidienne de Simon est somme toute classique : il est en charge du recrutement, il anime des séminaires sur la motivation. Récemment, il a dû participer au plan de restructuration, il a fallu décider de 900 licenciements. Sans états d’âme, Simon mène sa mission d’évaluation de façon pragmatique, rationnelle tout au service du développement de l’entreprise qui l’emploie. Jusqu’au jour où, il est chargé d’une mission spéciale par le directeur adjoint. Il doit évaluer la santé mentale du directeur général et comprendra rapidement qu’il doit en réalité affirmer que celui-ci présente des troubles mentaux… Simon est alors pris dans une logique qui le dépasse et à laquelle dans le même temps il participe. A la fois objet et sujet d’une histoire qui va bousculer ses certitudes, le confronter à des questions qui ne sont pas seulement éthiques mais aussi morales. Quel est mon rôle dans un système qui me dépasse, dont les finalités m’échappent en partie alors que j’entrevoie ses perversions et qui ne peux fonctionner pleinement sans ma contribution ? C’est en s’appuyant sur cette question que le scénario s’oriente vers un effet miroir, une mise en parallèle avec la machine de l’holocauste. Il ne s’agit évidement pas d’une comparaison de la Shoa avec l’entreprise moderne, mais bien d’une interpellation sur notre place de sujet, de ce à quoi - par nos activités - nous nous mettons au service. Une question intemporelle pour les acteurs professionnels et citoyens que nous sommes.
Éditorial de Philippe Bigot
octobre 2007