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La ruche...des Hommes

La « société » des abeilles est parfaitement organisée, ordonnancée. Chaque abeille a son rôle, sa fonction qui évolue au fil de son existence. Le destin de « l’ouvrière » est de mourir d’épuisement, le plus souvent, lors d’un dernier voyage de butinage. La raison d’être de l’abeille se justifie ainsi pleinement de ce rôle, de cette contribution que chaque individu se doit d’apporter au bon fonctionnement et développement de la ruche, et cela dans une totale soumission à un ordre et une logique qui dépasse chaque individu. La ruche… est aussi le nom donné au bâtiment principal de Technocentre de Guyancourt du constructeur Renault où trois personnes s’y sont suicidées.

Bien entendu toute ressemblance… serait fortuite. Mais à la différence des abeilles, les humains, eux, sont déterminés par le langage et ses effets. Dans cette perspective, nous ne pouvons que renvoyer nos lecteurs à l’Edito de février 2007 dans lequel, nous avancions quelques idées sur la question de la métaphore…

Si l’abeille « ouvrière » (c’est ainsi qu’on la nomme) meurt d’épuisement à la tâche, chez l’homme vivant et travaillant en ruche, il en va tout autrement. Chez l’humain, le problème - outre que c’est un sujet parlant…- c’est le stress. Le stress qui rend malade, le stress qui tue. Ouf, maintenant on sait. Le stress est l’alpha et l’oméga. Tant pis si le mot « stress » est pour le moins fourre-tout, tant pis si sa définition ne fait pas consensus chez les spécialistes…. Parce que pour le stress on « a » des remèdes. Alors on va développer au sein de la ruche des hommes des programmes, on va les former à « prévention et gestion du stress » et aussi « à l’efficacité personnelle »… La complémentarité de ces deux thèmes - loin de tout cynisme… - est d’une logique élémentaire. Et pour aller plus loin dans la prise en compte du problème « de stress », les quinze mille collaborateurs vont avoir une journée durant laquelle ils seront dégagés de leurs activités et pourront se parler…, les réunions de service sont maintenant obligatoires, et à un rythme hebdomadaire. Autant dire que les mesures renseignent sur la nature et l’ampleur du mal… enfin du stress comme on dit aujourd’hui. L`émission de France 2 "Complément d`enquête" revenait le 22 octobre sur les questions de conditions de travail, de maladies professionnelles, de stress, ce que l`on peut appeler les risques psychosociaux dans les entreprises. Cette émission comprenait quatre reportages consacrés aux suicides en entreprises, aux maladies professionnelles, au stress ainsi qu’au « Karochi », le phénomène de mort par surmenage au Japon. L’enjeu immédiat est bien celui des réponses déployées. Là comme ailleurs, la tendance peut être à la simplification… qui peut confinée parfois au degré 0 de la pensée. Quand la complexité d’une situation peut ainsi être « ramassée » dans un mot, dans quelques formules de base, on peut légitimement s’inquiéter… Le pire ne serait-il pas d’appliquer à la complexité de la ruche des mesures simplistes, orthopédiques comme on sait le faire dans le champ d’une certaine psychologie ?

Éditorial de Philippe Bigot
novembre 2007