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Adaptation économique... de l'espèce

Appliquée à l’économie, le darwinisme est un monde de luttes archarnées et féroces pour la survie, un monde dans lequel il n’y a de places que pour les meilleurs, ceux qui savent s’adapter. Un monde dans lequel le marché et sa loi impitoyable font le tri, le faible est condamné à disparaître, le fort est condamné à le rester…aux dépends des autres. Dans ce monde là, les finalités de l’adaptation et de la survie l’emportent sur les moyens. Bref, Darwin aurait toute son actualité et pas seulement pour son bicentenaire. Sauf que Darwin n’a pas inventé le darwinisme économique et que rien ne prouve qu’il ait été darwinien…

Et si Darwin était d’actualité pour d’autres raisons que celles avancées dans les discours convenus et qui se présentent in fine comme fondements anthropologiques de rapports socio-économiques, plus connus sur l’appellation (non contrôlée) de néolibéralisme… ? Il est tout de même curieux de constater que dans son ouvrage princeps, « l’origine des espèces », Darwin ne dit rien, ou presque de l’Homme. De là à penser à une mystification… Mais il y a mieux, en termes d’actualité cette fois. Dans un autre ouvrage – « la filiation de l’homme » - Darwin évoque les sociétés humaines et y évoque sa vision dans laquelle il fait tenir à la coopération, une dimension et une place prépondérantes. En résumé, tout le contraire du discours habituel ! Selon Darwin, la coopération (entre les êtres humains) est indispensable et elle est sous-tendue par le processus de sélection naturelle lui-même. Bien que concurrence soit le maître mot du discours économique, il n’en reste pas moins que nous vivons au quotidien auprès de personnes dont nous avons besoin, de qui nous obtenons du soutien et à qui nous apportons du soutien, et ceux là ils sont bien plus nombreux que nos concurrents… Qu’il s’agisse de notre boucher, le mécanicien chargé de l’entretien de notre engin roulant ou encore de l’équipe de travail avec laquelle on déploie sa mission, nous ne pouvons que nous satisfaire que chacun fasse bien son travail et indisposé lorsque ce n’est pas le cas. Ne serait-ce pas le contraire s’ils étaient nos conccurents ?... Et puis, la concurrence n’est pas en soi un gros mot, et n’exclut nullement l’éthique. Darwin avait observé qu’un groupe solidaire est en concurrence avec d’autres groupes, également solidaires. Concurrence qui devient alors un élément indispensable pour le développement du soutien réciproque dans le groupe. Aussi en temps de crise que la solidarité humaine s’en trouve renforcée n’est pas un effet romantique mais une donnée scientifique et observable. Les tribulations d’Astérix et de son village témoignent bien de ce phénomène, face à la menace, aux difficultés la coopération est une solution… Parfois la seule voie comme l’indique la théorie du « dilemme du prisonnier ».

Éditorial de Philippe Bigot
avril 2009