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Le coach fait son cinéma

Nous pensions avoir tout vu sur le coaching, les reportages TV à charge, les émissions en tous genres : coach déco, coach propreté (et oui être coaché pour faire le ménage chez soi, tout sur la technique du nettoyage des vitres ou sur l’utilisation de l’aspirateur sur France 5…), coach éducation des enfants si ce n’est pas des parents, sans même parler des inénarrables articles de presse « jamais sans mon coach » qui reviennent au rythme du métronome… Il manquait le cinéma, maintenant c’est fait. C’est avec apriori et sans illusion que je m’achemine vers la salle obscure comme par devoir. Quelle ne fût pas ma surprise…

Il en va du cinéma comme de la littérature et autres formes de spectacles, nous y voyons potentiellement ce qu’auteurs, scénaristes, metteurs en scène n’ont pas montré. Il nous est présenté là un film qui est une carricature tellement outrancière qu’elle se fait carricature de carricature ! Et c’est bien ici que réside finalement son intérêt. Pour les professionnels, c’est sur ses ressorts carricaturaux que le film nous interpelle. Impossible de penser que ce qui est montré relève d’un hasard, le scénario a été monté avec le concours de professionnels du coaching ou à tout le moins de personnes qui en ont une connaissance et compréhension approfondies. Sans dévoiler le scénario (pour nos amis lecteurs qui n’auraient pas vu le film et envisagent de le voir), repérons quelques outrances du scénario et de sa mise en scène qui amènent à questionner le fond du métier. Tout d’abord, la « magie » du coach et le « miracle » de son intervention dès les premières minutes du film. Il est toujours possible de rencontrer un client qui croit à la magie du coaching mais ce qui est illustré ici est que le coach lui-même croit en cette magie…et cela n’est pas sans produire des effets. Il y a le « narcissisme » du coach qui s’abreuve du « prestige » de ses clients telle une addiction (qui en cache d’autres), le bling-bling en plus ! Et puis, il y a la prescription de coaching. Elle n’a pas seulement un pied dans le fantasme, dans l’irréalisme (comme c’est parfois le cas dans la vraie vie du coach), elle est demande délirante, manipulatoire… anti-déontologique a souhait. Et le coach a besoin d’argent… alors bien qu’il sache et dise que prendre en charge la mission n’est pas « éthique », il dit oui, lui-même étant sérieusement coincé dans des dettes de jeux (et de « je »…). Cerise sur le gâteau, le coach sera payé après résultats… ! Ca rappelle les pubs des marabouts… De la mise en tension de la règle (déontologique), de l’éthique et des impérieuses nécessités financières et matérielles…carricatural mais pas si déconnecté de la réalité. Il y a aussi la thématique de l’imposture. Le coach va devoir coacher une personne qui ne le sait pas et il s’introduit dans l’entreprise comme « stagiaire », on apprend vite que le « coaché » lui-même est aux prises avec une imposture homonymique. Une relation en miroir qui va alimenter une longue partie des échanges entre les deux protagonistes. Moments savoureux de carricatures avec les « outils » et « techniques » du coach… utilisés de façon mécanique exposant ainsi toute leur relativité. Et, pression du temps et de l’argent oblige, le coach se fait conseil et même modèle. Là une autre dimension apparaît. Le coach comme idéal à proposer à la personne coachée. Sauf que l’envers du décor de l’idéal montre un coach, une personne engluée dans ses difficultés existentielles… Carricatural sans être étrangé d’une réalité qui fait dire que le coach doit avoir fait un « travail personnel »… et que celui-ci n’en fait pas pour autant disparaître les symptômes de l’existence, alors, qu’en advient-il ? Passons sur le « happy end » final qui donne l’impression d’un épuisement de l’inspiration pour dégager un des points de conclusion qui ne manque pas de finesse même dans sa carricature : le coaching est une expérience de vie dans laquelle le coach apprend aussi (pour lui-même) quelque chose de la personne coachée…

Les outrances du film une fois dépassées nous amènent à (re)questionner le fond de notre métier, de tout temps la carricature fut un moyen de dire quelque chose d’une vérité, en cela le film est recommandable.

Éditorial de Philippe Bigot
octobre 2009