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Economie et relation

Si l’on peut se douter qu’économie et relation (sociale) sont dans un lien d’interdépendance, nous ne soupçonnons pas forcément la force de ce lien. C’est précisément ce que montrent des travaux récents en économie notamment sur le thème de l’emploi. Le taux d’emploi est plus faible en France que dans les pays qui lui sont comparables, c’est une donnée établie. Une fois passé le constat, se pose la difficile – et idéologique – question des origines, des causes… et par là des remèdes. Sur ce problème, les lignes politiques traditionnelles se disputent le monopole de la vérité. On l’attribue au coût trop élevé du travail et peu importe si des pays font mieux avec un coût plus élevé qu’en France…, on l’attribue au déclin de la valeur « travail », car comme on ne cesse de nous le dire jusqu’à la culpabilisation, on ne travaille pas assez et peu importe que les études récentes montrent qu’on travaille plus, en France, que la plupart des pays européens…

Nous sommes donc pas à une contradiction près d’autant que ces arguments et lignes idéologiques qui nous bercent depuis tant d’années n’ont pas fait avancer la cause de l’emploi. Des travaux récents d’économistes tels que Thomas Philippon sortent des sentiers battus et mettent en évidence des variables sociologiques dans ce problème de l’emploi pour en arriver à l’hypothèse que la qualité des relations sociales dans l’entreprise est la variable qui explique le mieux les différences de taux d’emploi entre les pays. Et sur ce point, il semble que la France fasse « exception ». Celle-ci peut se résumer ainsi : manque de confiance dans les relations de travail et tout particulièrement dans les relations entre les hiérarchies. Voire, la défiance a pris le pas : chacun se méfie des autres. Ainsi, selon les travaux menés par ces économistes, les français sont insatisfaits au travail, non pas qu’ils n’aiment pas le ou leur travail. Ce qu’ils n’aiment pas c’est l’ambiance, les modes relationnels… Et si la France est bonne dernière dans les enquêtes de satisfaction au travail, elle l’est aussi dans le taux d’emploi. Difficile alors de ne pas mettre en perspective ces données…. Cette hypothèse ne vient pas résoudre les causes historiques des relations sociales qualifiées de difficiles en France : syndicats peu représentatifs, marquages idéologiques, culture de l’affrontement plutôt que de la négociation, un état qui intervient dans les négociations sociales et un déficit de confiance dans les relations professionnelles qui trouve à s’alimenter d’un management peu enclin à la délégation… Pour ces économistes, il faudrait y voir là des freins importants au développement économique ou pour le dire ainsi : il y a des coûts cachés très importants. Si le rapport de force s’avère inévitable dans les relations sociales, il n’implique pas nécessairement l’affrontement. Ici, les hypothèses de l’économiste rejoignent les objets d’intervention du coach et du médiateur dans les situations de crise. Développer la « régulation » dans les modes de travail, favoriser le positionnement et l’expression de l’ensemble des acteurs de l’entreprise, engager une réflexion approfondie sur les pratiques managériales et les finalités qu’elles poursuivent apparaissent comme autant de clés dont les effets pourraient se faire sentir jusque sur le taux d’emploi. Lorsque les travaux de quelques économistes au regard décalé économiste rejoignent ce que doivent être les finalités de l’intervention du médiateur et du coach, des synergies s’installent…
Éditorial de Philippe Bigot
mars 2010