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Liker n’est pas jouer…
Le développement des systèmes de communication et d’échange - en particulier les réseaux sociaux - transforment en le façonnant, le monde dans lequel nous vivons autant que la relation que nous entretenons avec ce dernier. Ces bouleversements – bien que rapides – sont intrinsèquement liés à notre quotidien au point qu’il est difficile d’en prendre la mesure. Bref, cela s’opère devant nous et avec nous parce que nous en sommes les acteurs. Pour se faire une idée, l’actualité du bouton « j’aime » d’un certain réseau social nous offre quelques perspectives…
« liker » c’est cliquer sur un bouton pour signifier que l’on « aime » une page, un site, un contenu. Ainsi nous pouvons en quelques clics (et une poignée de secondes) « liker » pour valoriser une recette, puis « liker » un polar, pour « liker » ensuite un site de vente en ligne tout en poursuivant par le « like » d’un forum dont les surenchères d’opinions fondent la raison d’être… Autant dire que « liker » c’est la liberté vécue dans son sens le plus simple : une action sans entrave. A ce propos, une cour fédérale américaine a considéré il y a peu, que « liker » relevait de la liberté d’expression – et donc de la constitution. Mais laissons de côté pour le moment la question de la liberté de « liker » quand et comme on veut. Une autre question est celle de s’interroger sur ce que signifie « liker », au moment du clic final. Est-il un signe d’adhésion ? De réaction ? Est-il le fruit d’une réflexion, d’une analyse ? Est-il l’expression d’une émotion ? Un clic intuitif ? Un clic automatique de type pavlovien ? Il ne fait guère de doute qu’exprimer une opinion via un « like » ou porter la même opinion verbalement, physiquement dans un lieu, dans une confrontation, un débat, un écrit n’est pas tout à fait du même ordre. Et ce qui n’est pas du même ordre c’est précisément l’engagement. S’engager, n’est-ce pas là ce qui est en jeu dans la transformation qu’entraine « liker » et son clic ? La question devient alors la valeur de cet engagement que porte le « clic ». Qu’est-ce qu’engage celui qui « like » ? S’il est possible d’affirmer que « liker » est un engagement alors il implique de se demander ce qui le fonde. L’engagement est indissociable d’une temporalité. Ainsi avec le temps c’est un autre paramètre, facteur de transformation, qui apparait : sur les réseaux sociaux le temps est un temps court, un temps immédiat, un temps instantané. Et il est loin d’être acquis que « l’instantanéité » soit le meilleur allié de « l’engagement »… Il ne reste qu’à souhaiter d’ailleurs qu’instantanéité et engagement ne prennent pas les allures du « vice appuyé sur le bras crime » pour reprendre la formule de Chateaubriand dans ses « Mémoires d’Outre-Tombe ». La fonction « liker » est une possibilité qui se transforme en droit. Elle ne saurait masquer une interrogation sur l’utilisation de ce droit pour permettre de comprendre les évolutions auxquelles notre subjectivité est confrontée. Presser le bouton « j'aime » - comme le souligne la position de la justice américaine - relève de la liberté d'expression. Mais pour en faire quoi ?
octobre 2013