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Chers patrons…
Chers patrons, je vous fais une lettre que vous lirez peut être si vous avez le temps… vous connaissez sans aucun doute la chanson. Ainsi c’est avec stupéfaction que j’appris que des actionnaires menèrent la fronde contre la rémunération (il est vrai en hausse) de quelques-uns qui comptent parmi les plus médiatiques ; la rime avec « emblématiques » n’échappant à personne. Je n’ose imaginer, chers patrons, de quoi vous auriez l’air, si d’aventure, les actionnaires devaient basculer dans la révolution. Business sans conscience ne serait-il que ruine du monde ?...
Le mercato du salaire patronal est un mouvement incessant, autocentré et pivotant sur lui-même, l’élégance du Derviche tourneur en moins. Le sujet est bien connu et la question inépuisable : combien vaut la rémunération d’un patron ? Il va sans dire que la question ne concerne pas le patron de la TPE du coin. Celle-ci s’est trouvée réactualisée il y a peu, grâce aux quelques 7,2 millions d’euros de rémunération de Carlos Ghosn, PDG du groupe Renault. Avec cette originalité dans le décor : les actionnaires votèrent contre le montant du pécule… On est alors en droit de se demander si le monde tourne bien rond. La scène est originale, les actionnaires de l’entreprise Renault, ceux de la British Petroleum (BP) ont voté majoritairement contre les rémunérations de leurs patrons. Un rififi dans le monde feutré et de l’entre-soi du business qui donne le vertige. La révolte des actionnaires contre leurs patrons… Même Marx n’aurait pas osé en rêver ! Ces patrons ont sauvé leur pouvoir d’achat grâce aux bons offices des conseils d’administration des dites entreprises qui comme un seul homme ont voté les rémunérations. Une leçon de démocratie en somme. Rappelons les montants : 7,2 millions pour le PDG de Renault et 17 millions pour celui de la British Petroleum. Les jeux sont faits et rien ne va plus. Voir les actionnaires se dresser contre un système conçu pour eux en dit long sur le renversement qui s’opère. L’inflation rémunératrice s’est développée dans les années 80 sur les fondements du « shareholder value », la valeur actionnariale. A partir de cette conception, les rémunérations des patrons ont été indexées sur la création de valeur pour l’actionnaire. L’équation est compréhensible pour un enfant dès 3 ans : ce qui est bon pour l’actionnaire est bon pour l’entreprise qui est alors bon pour le patron. Autant dire que les décisions patronales adoptèrent la consistance et la profondeur du réflexe pavlovien. Le contrat de confiance semble se rompre lorsque les résultats de l’entreprise ne sont pas au rendez-vous et que les rémunérations patronales continuent, elles, a flamber ! Et voilà les actionnaires qui se transforment en révoltés. Pour autant, ne nous laissons pas distraire, car à trop rabattre le sujet sur la seule dialectique actionnaires-patrons fait alors disparaitre tous les autres acteurs d’une entreprise. Or, si la confiance entre l’actionnaire et son patron est essentielle, la confiance des collaborateurs envers leur patron ne l’est pas moins. Et une entreprise dans laquelle la confiance disparait est une entreprise en danger. Les pères fondateurs du capitalisme pensaient raisonnable un écart de 1 à 20 dans les rémunérations au sein de l’entreprise. Henry Ford imposera la norme de 1 à 40 et aujourd’hui, fréquents sont les écarts de 1 à 1000. La confiance est la condition d’une réelle coopération entre les acteurs de l’entreprise. La coopération est une force précieuse tout comme elle est une modalité indispensable pour vivre ensemble. Aussi, chers patrons, ce n’est pas seulement les sociétés que vous dirigez que vous exposez ainsi aux risques mais la Société dans laquelle, tous, nous vivons.
juillet 2016