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La violence au travail fait son cinéma...

Aujourd’hui comme hier, le travail est pour chacun une composante essentielle de l’identité sociale. Nombre de travaux ont démontré depuis des années, les liens étroits entretenus entre travail et épanouissement personnel, réalisation de soi. L’espace professionnel est aussi une façon de vivre dans la société, et en particulier, de l’expérimenter. Certes, la « valeur travail » se vit de façon spécifique pour chacun, influencée par des périodes de l’histoire et des caractéristiques culturelles qui prévalent. Sauf qu’il se passe aujourd’hui quelque chose dans les organisations. Non pas un phénomène nouveau en soi mais un phénomène qui, par son ampleur, fait « symptôme » en quelque sorte… Evoquer le monde qui change, la globalisation économique, la mondialisation des échanges et de la production, les nouvelles technologies est presque banal, quel journal n’y fait pas référence chaque jour s’agissant des conséquences économiques ? Certainement, le développement de la violence, de formes diverses de souffrances au travail trouve t-il ses racines dans ces grands bouleversements, à ceci près, qu’on en parle peu, voire pas du tout, tel un sujet tabou. Nous sommes bien loin de situations ponctuelles ou épisodiques, bien loin de situations concernant des « gens fragiles », il n’est pas exclu que la violence au travail devienne un symptôme majeur, dans les prochaines années, de la vie en organisation. A titre d’exemple, une enquête sur le suicide au travail, situations extrêmes, menée en 2005 dans les départements de la Basse Normandie met en évidence 80 suicides… l’extrapolation au niveau de la France ferait ainsi apparaître de 300 à 500 cas. Plus rien qui ne relève de la marginalité…

Aussi, les initiatives des cinéastes sur ce sujet, sont d’autant plus significatives… Ces dernières semaines pas moins de deux films traitant du sujet sont apparus sur les écrans : « sauf le respect que je vous dois » qui aborde la question du suicide au travail, et, « ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés », titre reprenant un vers de La Fontaine, film documentaire traitant quant à lui de la rupture à partir de 4 histoires de vie professionnelle, monsieur et madame tout le monde… Le regard porté par le cinéma sur ces questions ne s’arrête pas à cette actualité, et, sans être exhaustif, peut être avez-vous vu « Ressources Humaines » ou pour sa première expérience, le fils arrive aux RH de l’entreprise dans laquelle le père travaille comme ouvrier, celui-ci est sur dans la vague des prochains licenciements…, « la chaîne du silence » ou un suicide sur poste de travail… , « de gré ou de force » ou comment une stratégie pour virer quelqu’un prend la forme du harcèlement…, « violence des échanges en milieu tempéré » ou comment le consultant junior en arrive, à l’encontre de ses valeurs, à dérouler un audit dont la finalité est l’organisation d’un licenciement…, « le couperet » ou comment un chômeur liquide ses concurrents à l’emploi… A n’en pas douter, le cinéma joue là son rôle citoyen, n’est-il pas temps que l’ensemble des acteurs sociaux en fasse de même ?

Éditorial de Philippe Bigot
mars 2006