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L'idéal du moi aux commandes...

Il est frappant d’observer comment certaines organisations sont dans l’exigence d’un « toujours plus » et d’un « toujours mieux » vis-à-vis de leurs collaborateurs tout en envoyant des signes de reconnaissance de façon aussi pauvre qu’aléatoire. Et il est tout aussi frappant de voir comment dans ce type d’organisation les collaborateurs répondent à l’injonction d’avoir à se dépasser, toujours, de faire de la performance, encore et encore, d’arriver au bureau sourire aux lèvres, quelque soit la météo de l’existence… Avec en bas du relevé de note : « en progrès mais peut mieux faire » !

Bien entendu, nous ne pouvons que nous féliciter de la propension de l’être humain à vouloir aller vers le meilleur, le progrès, « l’excellence » faute de quoi nous en serions peut être encore, à frotter le silex… Tout autre chose est « l’excellence » posée comme un impératif catégorique auquel les personnes doivent se soumettre. L’idéal du moi qui incite à faire reculer les limites devient tyrannique lorsqu’il est posé comme une loi. Sous le visage du progrès, de la performance et du dépassement, cet idéal du moi peut alors devenir féroce, exigeant toujours plus de la personne, jusqu’à son épuisement… Ce type de fonctionnement organisationnel et managérial n’est alors pas sans risques. L’idéal du moi, affiché comme la norme, est d’autant plus dangereux lorsqu’il se fait l’écho du « moi idéal » des collaborateurs qui trouvent alors de façon aussi illusoire qu’éphémère une satisfaction sans qu’ils n’en mesurent le prix à payer. La culture du zéro défaut, la culture excessive de la performance et du résultat sont probablement les dimensions paroxystiques de l’idéal du moi qui a pris les commandes : c'est-à-dire qu’il décide et ordonne. C’est bien parce que ce type de fonctionnement convoque des mécanismes psychiques existants en chacun qu’il devient pérenne. Combien de cadres consomment des substances licites ou non pour tenir et rester dans le coup ? De la recherche du progrès à l’injonction de l’excellence il y a un pas à ne pas franchir parce qu’il s’avèrera plus coûteux que profitable.

Éditorial de Philippe Bigot
mai 2006