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Un peu de science fiction

La vidéo sera bientôt le meilleur ami de l’homme ! On peut raisonnablement le penser tant celle-ci devient omniprésente dans nos espaces de vie, à la fois sociaux et intimes. Subrepticement cet objet s’installe, il est au centre de nombre d’émissions, bizarrement ou cyniquement appelées « TV réalité ».

Avec la TV réalité, on voit coexister – grâce à la caméra – des jeunes gens dans un château, des moins jeunes dans une ferme, une super éducatrice aux accents staliniens… et tout cela est possible avec une simple caméra qu’on finit même par oublier… mais la caméra, elle, ne nous oublie pas ! La vidéo ce n’est pas que du divertissement. Souvenez vous des caméras installées dans les toilettes de l’usine Smart en Moselle (voir notre édito de juin 2005). Prochainement nos villes seront totalement sous l’œil alerte des vidéos - avec les meilleures intentions puisqu’il s’agit de notre sécurité. Nous savons ce que pavent les bonnes intentions… Plus créatifs sont les anglais dans l’expérimentation des moyens vidéo. Associer une caméra et un haut parleur fallait y penser !. Ainsi on peut immédiatement interagir avec une injonction, devant tout le monde, ceux et celles qui ne se comportent pas bien. Telle personne jette son mégo, ticket de métro au sol, elle est vue est rappelée à l’ordre par le haut parleur ! Effet de surprise garanti d’autant que tout le monde autour de vous est également informé, et vous regarde. Difficile de ne pas se soumettre à l’humiliation dans pareil cas. De la TV réalité en somme… Faut-il que nos surmois individuels soient devenus si défaillants ? La logique du contrôle et de la surveillance n’est jamais bien loin et l’histoire ne dit pas qui surveille ceux qui surveillent…. Avec la vidéo dans l’exemple anglais, un œil juge et critique est là pour rappeler ce qu’est la norme, le bien et le mal, rappeler à l’ordre par l’injonction. Certainement s’agit-il moins de défaillance de notre bon vieux surmoi que de lui substituer un « moi idéal » et social dont la férocité peut devenir rapidement redoutable et auquel nous n’aurions plus qu’à obéir. A la moindre dérive, quelqu’un sera là pour nous ramener dans les rails, rassurant de pouvoir ainsi compter sur son prochain… Le XXIe siècle ne sera peut être pas spirituel mais policé comme le désirait tant Fouchet… Gageons qu’il ne s’agisse d’un scénario de science fiction…

 

Éditorial de Philippe Bigot
novembre 2006