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Coaching : nom de code 17024...
Depuis quelques semaines, l’association française de normalisation certifie des coachs selon les normes ISO. D’un certain point de vue, cette nouvelle confirme que le coaching, en tant que métier, en tant que pratique professionnelle d’accompagnement acquiert la crédibilité et la reconnaissance nécessaire à son développement. D’un autre point de vue, on peut s’interroger sur l’adéquation entre la démarche d’évaluation ISO, fondée sur la norme et l’objet de l’évaluation : une pratique – nécessairement singulière – du coaching par un professionnel…L’apparition de la norme ISO (17024) dans le champ du coaching pose la question de l’évaluation de la pratique du coaching c’est à dire de ce qui s’évalue voire échappe à l’évaluation dans l’intervention du coach. Le choix des modalités et la visée de l’évaluation venant alors traduire une vision, et par là une position idéologique… La question lancinante que pose l’évaluation, en particulier de la pratique des métiers de la relation, est celle de « l’objectivité ». Il convient alors « d’objectiver », de trier, de classer, de « scorer » afin d’évacuer la subjectivité grâce à des critères qui présentent l’apparat de l’objectivité… et l’affaire semble jouée ! Une évaluation fondée sur la norme, outre qu’elle implique de définir ce qu’est la bonne ou vraie norme, ne peut avoir comme finalité que le contrôle. Le contrôle est certes une posture d’évaluation très répandue, pour ne pas dire dominante, autant que nécessaire mais est-elle de nature à rendre compte de la pratique du coaching et de ce qui y est mobilisée ? La démarche est-elle adéquat à l’objet étudié ? L’évaluation-contrôle implique de fait la mesure, celle de l’écart au regard des normes, des critères censés dire « la bonne pratique » et rendre la chose aussi objective que transparente. L’évaluation-mesure tend à une logique binaire fondée sur le « ou », on est dans la norme ou on n’y est pas. Dans de nombreux domaines d’activité cette démarche à sa pertinence, mais dans le champ de la relation, dans le champ social n’est-ce une autre histoire ?… Prenons deux exemples qui peuvent illustrer les impasses d’une démarche qui se veut « objective » dans un champ qui ne s’y prête guère. Pour être admissible à la « norme » il est requis 200 heures de formation théorique. Pourquoi 200 ? Théorie de quoi dans une pratique qui n’a pas d’épistémologie propre ? La PNL fait-elle théorie ? Ou l’analyse transactionnelle ? Qu’est ce qui fait « norme » en matière théorique ? Ici, pas d’autre alternative qu’un contrôle des connaissances pour mesurer les acquis théoriques et alors comment rendre compte de la capacité à mobiliser, dans des situations toujours différentes, les savoirs ? Deuxième exemple, toujours pour être admissible, il convient d’avoir facturé 150 heures de coaching. Là aussi, pourquoi 150 ? En quoi 150 heures facturées viennent dire quelque chose de la qualité d’intervention du coach ? Avec une dizaine de coaching (150 h) peut-on se prévaloir professionnel expérimenté ? Le critère facturation n’indique t’il pas plus sûrement la qualité de vendeur ?... Les questions ne manquent pas. L’important serait de ne pas être dupe des impasses de la démarche, et qu’on ne se laisse pas croire que l’on évalue une pratique alors qu’on ne peut dans le contrôle qu’évaluer la norme… Ce débat de « l’évaluation », de la norme, de la bonne pratique traverse aussi le champ de la santé mentale, de la psychothérapie et d’une certaine manière le coaching ne fait pas exception. A la logique de l’évaluation mesure, de l’évaluation normative peut se mettre en perspective une autre logique d’évaluation qui ne renonce pas à la subjectivité et en fait même sa dynamique. Il s’agit alors de déployer une approche « clinique » pour approcher la singularité, celle du praticien du coaching. Cette singularité ne se réduit pas à la maitrise une à une de compétences qui font l’objet d’un « scoring ». Le cœur de métier du coach est du côté de la complexité, d’un style propre à chaque professionnel et qui renvoie à une singularité. Comment rendre compte de la façon dont un professionnel combine, articule différents modèles d’intervention autrement que par une approche d’explicitation de la pratique ? Autrement que par la dialectique évalué/évaluateur ? Une évaluation fondée sur une position « clinique » installe l’intersubjectivité pour aborder et appréhender ce qui fait l’originalité, la cohérence d’une pratique professionnelle. Là où l’évaluation-contrôle, normative, demandera des enregistrements de séances, des films… une évaluation centrée sur le sujet se fonde sur le discours, celui du professionnel qui parle de sa pratique, de sa posture, de son cheminement personnel, de ses doutes, de ses questions. Il ne s’agit pas tant d’instaurer un débat contradictoire entre les logiques d’évaluation que de s’interroger sur la démarche adéquate pour aborder la singularité, la complexité d’une pratique fondée sur la relation et le langage.
Éditorial de Philippe Bigot
mai 2007
mai 2007