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« Rien de personnel » : grand zoom sur la brutalité managériale

Voilà un film qui ne laisse pas indifférent. Rien de personnel n’est pas dans le circuit des grosses machines cinématographiques, loin du barnum médiatique. Et pourtant, son actualité est criante, il vient parler de la souffrance au travail rappelant à sa façon l’étymologie du mot travail : du latin tripalium… c'est-à-dire « instrument de torture ». Et l’expression n’est pas usurpée dans ce qui nous est donné à voir. Rien de personnel ne dit pas la réalité mais lève un morceau du voile sur un de ses aspects… La question qui est posée pourrait être celle-ci : pourquoi des salariés deviennent-ils leurs propres bourreaux ? Autant dire que la question dérange, elle interpelle. Commence alors à se déployer un échiquier géant comme métaphore de l’entreprise…

La scène est la suivante : un laboratoire pharmaceutique (au nom à consonance germanique…) convie ses cadres à un grand « show » dans un château. Le jeu de rôle commence rapidement, chacun devant prouver ses compétences en un temps très limité. La rumeur se propage comme une trainée de poudre : le labo serait bientôt racheté… Le contexte se transforme sous nos yeux à la vitesse du son. La soirée buffet et champagne  sur fond de « coaching » (tout le monde est observé par le staff de consultants…) devient un exercice de survie. Chacun sait que rachat veut dire compression des postes de cadre. Le « sauve qui peut » devient vite la règle… Les personnages sont construits et s’agitent comme des rats de laboratoire. On voit progressivement consultante au sourire carnassier se transformer en dinde de la farce managériale. Au fil du déroulement de cette partie d’échecs grand format, les blancs deviennent les noirs et inversement, à tout moment chacun peut être expulsé du jeu, mat. Le paroxisme est atteint lorsque le factotum est pris pour le pdg alors que ce dernier est coincé dans les toilettes, un renversement de la pyramide clin d’œil de la lutte des classes qui n’a pas dit ses derniers « maux ». Une soirée qui présente toutes les caractéristiques du bal des hypocrites ou la persona est de mise. Le contraste est donné avec le mari de la directrice de la communication. Un ouvrier, simple, pétri de bon sens, qui n’a ni les codes ni les « bonnes manières ». Incapable de faire semblant, et, faisant tâche dans ce décor, il pointe par sa seule présence le factice et l’ironie de la situation. Il incarne à sa façon une humanité qui dans ce « monde » est aux abonnés absents… Une belle méditation qui rappelle qu’il tient à chacun de ne pas être une marionnette sur la scène économique.

Éditorial de Philippe Bigot
novembre 2009