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Sport métaphore…

Tout a été dit (ou presque) sur les errements de l'équipe de France lors du mondial de foot-ball. Ne tirons donc pas une nouvelle fois sur l'ambulance ! Dans le même temps, comment ne pas voir l'omniprésence des références au sport développées dans les entreprises et le monde économique ? Que l'entreprise emprunte au sport quelques références n'est pas une question très nouvelle, mais il semble que le cas de l'équipe de France de foot amène, dans le sillage de son désastre, deux autres questions...

La première question est celle de la légitimité. En effet, au-delà des opinions personnelles, en quoi le monde du sport serait légitime pour faire référence dans l'entreprise ? Qu'est-ce qui permet d'affirmer que l'introduction en masse de concepts sportifs dans le monde de l'économie et de la relation au travail est pertinente ? Si l'on prend l'exemple de l'entraineur de l'équipe nationale de rugby qui après la victoire de son équipe, en février, a souligné, et même loué l'engagement collectif plutôt que valoriser la performance individuelle, nous pouvons commencer à douter de la pertinence... ! La très sérieuse revue « L'Expansion Management Review » annonçait dans l'un de ces récents éditoriaux « la grande métaphore managériale mobilisatrice » a propos des relations entre sport et entreprise. Autant dire qu'en prenant le cas de la Coupe de l'America cela laisse dubitatif... Cette compétition ne faisant que mettre en exergue la domination des équipages les mieux dotés c'est-à-dire les plus riches, offrant le spectacle du tripatouillage des règles et des principes, lequel tripatouillage est associé à l'instrumentalisation des juges -ce qui semble être une obsession partagée par d'autres sphères actuellement... . Il ne fait guère de doute que cette compétition s'inspire du monde des affaires avec ce qu'il a de déloyauté et de plus retors. Ce qui nous amène à la deuxième question : et si c'était l'entreprise qui était la métaphore du monde sportif ? Bref, on peut se demander qui déteint sur quoi... ! Aussi au moment où les entreprises se coulent volontiers dans l'imaginaire sportif comment ne pas être frappé par les dérives induites par la professionnalisation du sport ? Financiarisation, dictature du résultat et dopage galopant, usure prématurée des athlètes, explosion des salaires atteignant des montants à faire pâlir les patrons du CAC 40... Il semble bien que si ces deux mondes convergent par l'attrait du profit ce n'est pas sans remettre en question le sport comme « grande métaphore ».Le jeu de miroir sous tendu par les emprunts faits par chacun de ces mondes à l'autre annule toute légitimité à ce que l'un fasse référence pour l'autre. Lorsque le monde du sport puise dans ce qu'il y a de plus détestable dans le « business » et inversement, cela ne peut conduire qu'à des amalgames, une dévalorisation mutuelle et une impasse pour les acteurs...

Éditorial de Philippe Bigot
septembre 2010