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Changer le changement…
Le changement est omniprésent dans les discours, au point qu’il s’impose comme une évidence indiscutable. Le changement ne va pas sans une conception de ce qu’il est par delà ce qu’il vise, et sur ce plan, les dispositifs et moyens sont légions. Le coaching notamment est présenté comme l’accompagnement d’un changement. Changer fonde donc le coaching, il en est le ressort. Alors, comment envisager un coaching si son bénéficiaire ne veut pas changer quelque chose ? Le coaching pourrait-il être au service du statu quo ? La réponse parait s’imposer d’elle-même tant changement et coaching sont intimement liés. Ce qui est saisissant dans cette vision des choses, c’est la conception que le changement repose sur une dialectique « changement-non-changement »…
Le coaching serait ainsi au service de celui qui veut changer, comme si, coach et coaché partaient d’une situation « statique ». C’est une lecture possible, c’est même la plus fréquente. Envisageons une autre perspective ouvrant à une pratique différente « du » changement. Mais avant d’en venir là, observons combien le mot « changement » est pris dans les rets de sens multiples, quand il n’est pas purement et simplement vidé de sens. Changement, est une injonction dans nombre d’entreprises : combien d’organisations sont engagées dans un changement permanent au point que les acteurs deviennent spectateurs, attendant le prochain changement pour faire (ou ne pas faire) quelque chose… Ici donc le changement est permanent. Mais un changement décidé, qui change tout le temps, est-il un changement ?... Changement peut aussi être un mot (maux) d’ordre, pour ne pas dire un slogan, les campagnes électorales saturent l’espace médiatique et acoustique avec ce mot alors conjugué au temps de la promesse… Le changement comme leitmotiv s’apparente au message publicitaire qui tente de tirer sa consistance de sa redondance. Changement est aussi le terme préféré des prophètes qui – tout en se posant en donneurs de leçon sur ce qu’il faut faire – puisent dans la notion de changement une réponse à tout. La moindre question trouve sa solution dans le changement. Changement est aussi le mot qui désigne, plus ou moins explicitement, toute une technologie (du changement) qui dans le champ du développement personnel peut parfois laisser pantois. Les individus sont alors – au nom du changement qu’ils sont censés ardemment désirer – invités à se ranger dans des protocoles et autres techniques devant les libérer du poids de leur fardeau. Le développement personnel qui fait du « changement » son fond de commerce n’est pas avare de promesses concernant sa technologie. La promesse marketing d’un changement conduisant à soi, à sa réalisation pleine et entière, à son équilibre, son harmonie et même pour le dire simplement, au bonheur… Rien moins que cela. A voir de quelle façon - « unes » de la presse spécialisée à l’appui - le bonheur devient la nouvelle martingale dont le développement personnel ouvre les chemins ensoleillés. L’inventaire des dérives du terme et des pratiques du changement sont multiples, anciennes – pour ne pas dire vieilles comme le monde – aussi, restons en là pour cette énumération qui ne vise aucune exhaustivité.
Les approches coopératives abordent le changement non pas dans une opposition dialectique « changement-non-changement » appartenant à une vision structuraliste mais comme un mouvement qui façonne l’individu dans son rapport permanent avec le social. Dit autrement, il est postulé ici que le changement « est », qu’il est un mouvement auquel on ne peut s’opposer, et que ce mouvement est porté par les ajustements (permanents) que nous déployons avec le monde dans le lequel nous vivons. Le changement est pensé comme une « trans-formation » incessante - et pas nécessairement radicale - par laquelle nous tissons et maintenons nos liens avec le monde. L’invitation est alors faite à l’accompagnant de repérer, avec la personne accompagnée, les signaux (parfois faibles mais jamais absents) du changement, de la façon dont il est en transformation, en mouvement et ce pour l’amplifier. Il ne s’agit donc pas de mettre en route quelque chose qui est à l’arrêt (à l’image d’un moteur à l’arrêt ou en panne) mais d’amplifier ce qui existe et qui n’est pas nécessairement perçu par la personne accompagnée. « Mettre en route un mouvement » ou « l’amplifier » ne procède évidement pas – dans l’accompagnement - de la même pratique, et moins encore, de la même philosophie du changement. C’est peut être cette vision qui pouvait faire dire à Simone de Beauvoir « qu’il faut accepter de changer pour rester soi même »…
février 2016