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Du conflit évité...

Le taux d’emploi est plus faible en France que dans les pays qui lui sont comparables, c’est une donnée reconnue. Une fois passé le constat, se pose la difficile – et parfois conflictuelle – question des origines, des causes… et par là des remèdes. Sur ce problème, les lignes idéologiques traditionnelles se disputent le monopole de la Vérité. On l’attribue au coût trop élevé du travail et tant pis si des pays font mieux avec un coût plus élevé qu’en France…, on l’attibue aussi au déclin de la valeur « travail », car comme on ne cesse de l’entendre, on ne travaille pas assez et tant pis si les études récentes disent qu’on travaille plus que la plupart des partenaires européens. Nous sommes donc pas à une contradiction près d’autant que ces arguments et lignes idéologiques qui nous bercent depuis tant d’années n’ont pas fait avancer la cause.

Il est quelques économistes* qui cherchent hors des sentiers battus et qui mettent en évidence des variables sociologiques dans ce problème de l’emploi pour en arriver à la conclusion que la qualité des relations sociales dans l’entreprise est la variable qui explique le plus (et le mieux) les différences de taux d’emploi entre les pays. Et sur ce point, il semble que notre pays fasse « exception ». Une exception qui peut se résumer ainsi : manque de confiance dans les relations de travail et tout particulièrement dans les relations entre les hiérarchies. Voire, la défiance a remplacé la confiance : chacun se méfie des autres. En conséquence selon les travaux menés par ces économistes, les français sont insatisfaits au travail, non pas qu’ils n’aiment pas le ou leur travail, ce qu’ils n’aiment pas c’est l’ambiance, les modes relationnels… Et si la France est bonne dernière dans les enquêtes de satisfaction au travail, elle l’est aussi dans le taux d’emploi. Difficile alors de ne pas faire un lien…. Cette perspective ne résoud pas les causes historiques des relations sociales qualifiées de difficiles en France : syndicats peu représentatifs, marqués idéologiquement, engagés dans une culture de l’affrontement plutôt que de la négociation, un état qui intervient dans les négociations sociales et un déficit de confiance dans les relations professionnelles qui trouve à s’alimenter d’un management trop souvent autoritaire, directif et très hiérarchisé, donc peu de place à la délégation… Pour ces économistes, il faudrait y voir là des freins importants au développement économique ou pour le dire autrement : il y a des coûts cachés très importants. Sur le plan organisationnel, il est interessant d’observer comment les entreprises tentent de répondre à ces difficultés sociales : produire des organisations qui permettent de minimiser les conflits. Le modèle familial, voire paternaliste de nombre de PME permet de contruire des relations sociales avec une certaines proximité. La grande bureaucratie dans laquelle les relations interpersonnelles hiérarchiques s’estompent puisque les lieux de décisions sont centralisés, concentrés. La procédure prend le pas, on parle moins donc autant de conflits évités ! Point commun de ces deux modes d’organisation : une gestion court terme de l’évitement du conflit. Sauf qu’à vouloir éviter le conflit, on finit par brider l’initiative, la créativité, l’innovation, la délégation… on se protège, on se sur-protège contre un imaginaire envahissant du conflit. Et les effets apparaissent progressivement comme pire que le mal lui-même « simplement » parce que le conflit c’est la vie à laquelle il est inhérente. Lorsque les travaux de l’économiste (atypique…) rejoignent les objets de travail du médiateur et du coach, des ponts s’établissent…

* Voir les travaux de Thomas Philippon
Éditorial de Philippe Bigot
septembre 2008