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Silence... on tourne

La nouvelle publication « de l’observatoire du travail » renseigne sur le climat et les relations sociales dans les organisations qu’elles soient privées ou publiques. L’enquête menée met particulièrement l’accent sur les risques de la parole. Ainsi, le verbe ne serait pas au commencement… dans les entreprises et le monde du travail…

Quelques données édifiantes : près d’une personne sur deux (47%) déclare qu’il court le risque de se « faire mal voir » s’il prend la parole. Et pour les cadres, la proportion est de 37%... Pour poursuivre dans ce registre, 52% des collaborateurs interrogés pensent qu’il est utile de s’exprimer face à un problème au travail - ce qui n’indique pas qu’ils le fassent… Et qu’en est-il des 48% autres ? L’enquête ne fait pas dans la nuance : les risques perçus dans la prise de parole sont ils réels ou imaginaires ? Bien que l’étude ne le dise pas, les comportements montrent que ces deux risques ont au fond la même conséquence : le repli sur soi et une parole vidée de sens. A l’heure de l’omniprésence des logiques gestionnaires, il serait intéressant de connaître le coût de ce silence... Car comment envisager dans la complexité des activités et des organisations que le mutisme puisse être sans effets ? Sans la parole, pas de solutions, d’innovation, de réalisation des personnes…. Sans une parole libre des acteurs, pas d’efficacité collective pour faire face à la compétition. Mais qu’est ce qu’une parole libre dans l’entreprise ? Il ne s’agit pas d’une parole qui consisterait à « tout » dire selon un vieux fantasme de transparence en vigueur, et encore moins, d’une parole qui viserait à dire n’importe quoi histoire de dire quelque chose. Une parole libre dans le monde du travail serait la parole entière de celles et ceux qui en sont les ressources même : les acteurs de l’entreprise. La parole de ceux qui ont accès, là ou ils sont, à un petit bout de la réalité. La parole de ceux qui ont des idées, des expériences, des propositions. Rompre avec les modes uniformes et maintenant mondialisées de la pensée, confronter des points de vue, accepter les « discordances » ne sont pas les signes d’un conflit de personnes mais sont les conditions mêmes de la parole et de la créativité. Et sans créativité… Mais j’y songe, peut-il y avoir une parole libre sans un droit à l’erreur ?

Éditorial de Philippe Bigot
décembre 2008