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Quand l’état prescrit le coaching…

Nous pensions avoir tout vu sur le coaching et ses accommodements à toutes les sauces : coaching de séduction, coaching santé, coaching retraite, coaching déco… C’était sans compter l’imagination débridée de Jean Marie Bockel, feu secrétaire d’état de la république. Alors que coaching tout azimut a de quoi inquiéter et soulever de nombreuses questions, Monsieur Bockel a, dans son rapport intitulé « La Prévention de la Délinquance des Jeunes » remis au Président de la République en novembre dernier, trouvé astucieux de préconiser le « coaching parental »…

« Développer un véritable programme de coaching parental… » est la première proposition du rapport Bockel pour faire face à la délinquance des jeunes. L’offre de coaching parental fait florès et un rapide coup d’œil sur votre navigateur web vous en convaincra. Toutes ces offres s’adressent aux parents (en difficultés bien sûr) afin qu’ils améliorent leurs « compétences de parents », exercent leur « métier de parents » comme le disent les slogans publicitaires… Car, si vous ne le saviez pas, être parent, à l’heure de la société moderne est un métier ! Si avec ce qui est nommé « coaching parental » dans ces offres nous restons dans le cadre de l’offre commerciale prestataire/client, avec le rapport Bockel nous passons dans une autre dimension : celle d’une instrumentalisation idéologique du terme coaching au service d’actions instaurées par l’état. En préconisant le « coaching parental » comme réponse à la délinquance des jeunes, M. Bockel détourne le terme coaching pour au moins deux raisons principales. La première est que le rapport Bockel part du constat que « l’Etat, face à une parentalité en berne, en échec ou en difficulté, doit assurer la formation des parents… » et de suggérer que le « coaching parental » doit être le moyen de « renforcer les capacités parentales et notamment les capacités de parents à parler avec leurs enfants par une approche comportementaliste de la parentalité qui repose sur des constats avérés… ». C’est donc la figure de « super Nanny » c'est-à-dire le modèle de la téléréalité qui s’impose dans le rapport d’un ex-membre du gouvernement en réponse à une commande de l’Elysée… Ici apparait le premier détournement de sens pour faire du coaching un instrument de contrôle et de normalisation sociale. Nous sommes bien loin de l’écoute, du respect de la personne et de l’aide à l’accouchement des idées pour reprendre la métaphore socratique qui exprime le coaching professionnel. Et le rapport Bockel ne s’arrête pas là. Avec un sens hors du commun de la citoyenneté et de la psychologie, Mr Bockel d’ajouter à propos du « coaching parental » que « le but de ces stages, qui pourraient d’ailleurs être solennisés et se tenir dans une Maison de Justice et du Droit serait d’introduire, notamment auprès des familles en difficulté avec leurs enfants, une conviction républicaine ». Et oui chers lecteurs, il faut se pincer pour le croire ! L’histoire ne dit pas si le coach doit être présent à la remise des médailles…Le second détournement de sens émerge ici, avec l’assimilation du coaching à un stage. Le « coaching parental » version Bockel n’est alors rien d’autre qu’un stage de rééducation c'est-à-dire de conditionnement pour parents, qualifiés de défaillants, et le plus souvent étrangers comme ne manque pas de le rappeler à maintes reprises le rapport. Là où le coaching (professionnel) se définit comme une démarche d’accompagnement aux antipodes de la normalisation que propose Mr Bockel. Cette nouvelle dérive dans l’emploi du terme coaching risque bien d’en masquer d’autres. Elle est une mauvaise nouvelle pour les coachs professionnels qui font un difficile et passionnant métier d’accompagnement. Elle est possiblement, une mauvaise nouvelle pour les démocrates.

Éditorial de Philippe Bigot
mars 2011