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Loyauté exigée…
L’affaire Renault occupe une place conséquente dans l’actualité et pour cause… Ne rappelons pas les faits ici, chacun les connait. D’autres aspects de cette réalité sont tout aussi importants et intéressants : quels effets produisent sur les cadres et l’ensemble des acteurs ce qui, à l’origine, est une banale affaire d’escroquerie et qui se transforme en un délire paranoïde ? Et tout cela au moment du lancement d’un nouveau plan managérial. Le « Renault Management Way » comporte –notamment) une liste de critères pour évaluer les personnels … et figure en pole position, le critère de « loyauté »…
On croit donc rêver. Dans un tel contexte où les salariés (en particulier les cadres) commencent à se méfier les uns des autres, où chacun se surprotège dans la moindre de ses actions et initiatives, où la défiance a pris la place sur toute confiance potentielle, la gouvernance apparait chaque jour moins crédible en pratiquant l’exécution en place publique avec le départ d’un ou plusieurs individus afin de maintenir un ordre social plus ou moins apparent : Renault lance son plan managérial comme si de rien n’était ! Il est maintenant devenu banal pour les grandes entreprises d’avoir un plan de management (renouvelé régulièrement) porteur se slogans divers et mis au service d’une stratégie qui ne dit pas toujours son nom. L’exemple calamiteux d’un plan managérial aujourd’hui bien connu, est le « Time To Move » de France Télécom… Fort heureusement tous ces plans managériaux « marketés » ne finissent pas toujours dans de telles dérives. Mais revenons à la marque au losange et son « Renault Management Way » qui instaure de nouveaux critères d’évaluation du management. Un nouveau critère fait son entrée : la loyauté. Il s’agira donc de noter de 1 à 5 la loyauté d’un manager vis-à-vis de son entreprise, vis-à-vis de son employeur… Passons sur la dimension évidente de subjectivité que comporte ce critère de loyauté s’agissant de l’évaluer. En posant la loyauté comme critère d’évaluation, deux aspects peuvent se déduire :
- Un premier, contextuel : il semble irréel du point de vue du bon sens de lancer maintenant, une évaluation de la loyauté des managers alors que les fils de la confiance se cassent entre les étages managériaux, et que la gouvernance de l’entreprise perd la face. Envers qui ou quoi les managers doivent-ils être loyaux ? Y aurait-il là une tendance à la psychopathologie de l’échec pour reprendre les termes du médecin - psychanalyste René Laforgue ?
- Un second aspect est d’un autre ordre et pose le problème de la double contrainte. En effet, un manager peut-il être loyal envers l’entreprise indépendamment de ses gouvernants ? La réponse est oui, donc s’il est loyal envers l’un et pas l’autre, alors ne peut-on dire qu’il est loyal ?
Aussi une façon de sortir du piège infernal de la double contrainte dans lequel les managers vont se retrouver avec l’évaluation de leur « loyauté » sera pour eux de ne rien dire, de ne rien contester, de soutenir toute décision de la direction… pour montrer de la « loyauté », bref, un moyen de se sortir de la double contrainte sera de se soumettre… autre terme, chez Renault, pour désigner la loyauté ?
mai 2011