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Y

C’est le concept dont tout le monde parle, impossible d’y échapper. La génération Y occupe bien des esprits. D’aucuns y voient une description des comportements bien réels qui permet de comprendre le positionnement des « jeunes » dans l’entreprise, là ou d’autres, trouvent une nouvelle façon de dénoncer une génération entière de zappeurs obnubilés par eux-mêmes… Avec la génération Y, sommes- nous confrontés à un modèle marketing étayé sur une psychologie de bazar et une sociologie de comptoir ou à une réalité sociale établie ?

Génération Y c’est le label donné aux 20-30 ans qui ont grandi avec les nouvelles technologies. Y parce qu’elle fait suite à X, la génération des enfants du baby-boomers. Y, parce que ça se prononce « ouaille », à l’anglaise, ce qui évoque le « pourquoi » dont cette génération serait si friante et qui en serait même une caractéristique essentielle : ne rien faire sans comprendre le pourquoi des choses, sans accéder au sens des choses. La génération Y, c’est à peu près 20% de la population (française), donc comment envisager que 13 millions de personnes partagent autant de comportements communs du seul fait d’appartenir à une même classe d’âge ? Ce qui se dit pour définir cette génération Y est d’être la première à posséder des compétences (parce qu’hyper- connectés) que n’ont pas les précédentes générations, elle dépasserait en elle-même ses ainés. Elle est présentée comme sans illusions, peu impliquée au travail, difficile à fidéliser, incapable d’accepter l’autorité, individualiste et faisant preuve d’une faible loyauté envers leurs employeurs. Elle serait même sans attaches vis-à-vis des entreprises qui les emploient. Un comble d’ingratitude lorsque l’âge moyen du premier CDI est à 30 ans… Et bien que tout cela ne soit pas exhaustif, ces caractéristiques désignent autant ceux qui ont fait une Business School que ceux qui n’ont pas atteint le bac, ceux qui sont dans l’agriculture que ceux qui travaillent dans la grande distribution ou encore, dans la banque… Bien que se présentant comme une réalité et une vérité, ce concept de génération Y n’est démontré par aucune étude ! La mystification semble donc bien servir de fondement scientifique dans ce domaine aussi. Mieux, les travaux disponibles l’infirme. Dans « cycle de vie et générations » l’économiste Denis Kessler démontre qu’il est impossible de distinguer les effets de l’âge, les effets générationnels, des effets du contexte économique sur les attitudes au travail. Mieux, les enquêtes de la psychologie du travail, de la sociologie et des sciences de la gestion RH convergent pour montrer que n’apparaissent pas de différences caractéristiques d’une génération à une autre s’agissant de leur manière d’envisager leur carrière, le rôle de l’entreprise ou encore la façon de se comporter au travail. Comme concept, génération Y n’apparait que pour ce qu’il est : un ramassis de préjugés dressant un portrait peu flatteur de toute une génération sous les apparats d’une pseudo sociologie. La question vient maintenant, à qui et à quoi ce concept est-il utile ?

Éditorial de Philippe Bigot
juin 2012