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Si votre ramage se rapporte à votre plumage…

La Fontaine, ses fables et ses vers traversent les siècles, aidés en cela par des initiatives contemporaines, disons-même modernes. Qu’avez-vous donc fait, il y a peu, le 1er mars dernier ? Peut être avez-vous vécu dans cette ignorance majeure : le 1er mars est la journée internationale du compliment. Un jour qui change tout…

Institutionnaliser le compliment, le 1er mars, entraine un déferlement spontané de « compliments » comme nous pouvons l’imaginer… Passons donc sur la position paradoxale dans laquelle se retrouve celui qui s’y plonge sans retenue. Les autres sont alors priés de faire quelques efforts même si l’exercice n’est pas familier : savoir dire ce qui va faire plaisir à entendre. C’est à la portée de chacun pour peu qu’on y mette un peu de bonne volonté. D’autant que ce qui compte, c’est l’effet produit par le compliment, annonce tranquillement le visionnaire et initiateur de cette journée Hans Poortvliet.
Inutile donc de le penser, l’effet suffira. Dans le monde professionnel par exemple, nous voyons alors toute la modernité du concept se déployer : exit la flagornerie, la courbette, l’opération « cirage de pompe » et place aux compliments fussent-ils localisés le 1er mars ! Complimenter, complimenter, il en restera toujours quelque chose. Et n’oubliez surtout pas que c’est l’effet recherché qui détermine votre compliment. Ce principe de base agit alors comme une boussole, il vous reste ensuite à faire preuve d’emphase, votre compliment à défaut d’être pensé doit être crédible. Alors, place à la mise en scène, même si certains ont plus d’atouts que d’autres sur ce registre… L’art du « compliment » (pour faire moderne, ne dites plus flagornerie ou flatterie donc) est un art difficile que le Baron d’Holbach soulignait dès le 18ème siècle dans sa formule « de tous les arts, le plus difficile est l’art de ramper »…
Bien heureusement, nous pouvons au cours des 364 journées qui accompagnent le 1er mars adresser ici ou là, quelques compliments, ou mieux encore, nous pouvons les éprouver et les penser comme raisons de les exprimer.
Faire du compliment « un instrument » comme nous y incite cette journée du 1er mars n’a rien de bien nouveau. La nouveauté réside bien plus dans le fait d’annoncer le compliment, explicitement, comme un « instrument » et de surcroit, de l’institutionnaliser en une journée mondiale. Certainement une conséquence de la recherche de transparence de notre monde moderne ?
La question reste ouverte : que se passera t-il lorsque recevant un compliment chacun de nous ne sera plus en mesure d’en déterminer la visée ? Le compliment généralisé ouvre la voie à la suspicion généralisée sur le compliment…
Soucieux manifestement d’efficacité, Hans Poortvliet promoteur du compliment généralisé pourrait donner force à son idée, en associant sa journée internationale à d’autres journées internationales : au 13 novembre, journée internationale de la « gentillesse », au 20 mars, journée internationale du « bonheur » ou pourquoi pas au 13 août, journée internationale des « gauchers rarement complimentés et souvent contrariés ? Toutes ces journées ainsi reliées, compliment inclus, pourraient trouver leur point d’orgue, le 21 décembre, journée internationale de « l’orgasme » ! Et oui, elle existe aussi…
Malgré une lecture attentive du calendrier, je n'ai pas trouvé une seule journée internationale pour nous protéger de la bêtise. Il faudra faire un peu de place… Mais laissons à La Fontaine, le dernier mot sur la journée internationale du compliment : « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute… »

Éditorial de Philippe Bigot
avril 2014