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L’art de la courtisanerie…

Dans l’enclos de nos frontières, malgré quelques révolutions dûment enseignées dans nos écoles, il est toujours spectaculaire d’observer l’inventivité de la courtisanerie… Et si finalement elle était une glorieuse conquête de l’esprit ? A y regarder de près, nous avons peut être tendance à mésestimer la force d’esprit et les qualités humaines qu’il faut déployer pour satisfaire à ce qui, parfois, confine à l’art. Le Baron d’Holbach en observateur averti de son temps le soulignait déjà dans sa formule « de tous les arts, le plus difficile est l’art de ramper »…

Le destin du courtisan (et de quelques autres) est de souffrir de sa jouissance et de jouir de sa souffrance. Le sacrifice est la valeur suprême. Imagine-t-on que pour maintenir le prince dans une égale humeur, il faille un dévouement jusqu’à l’épuisement et offrir quotidiennement, comme un présent sacrificiel, sa probité et son honneur? Il est temps de réparer l’injustice… et d’envisager enfin que le courtisan n’est pas un faible mais bien au contraire qu’il nous montre une force d’esprit qui incite au respect). Alors reconnaissons le, la courtisanerie est à coup sûr l’une des plus belles conquêtes de l’être humain sur lui-même. L’Homme peut ainsi donner « du » sens à cette servitude volontaire si bien analysée et exposée par La Boétie. Songez que sans la courtisanerie, cette servitude volontaire ne serait qu’un artifice vain. Qu’y a-t-il de plus noble pour l’être humain que de sacrifier à sa réputation pour le bonheur de son prince ? Quoi de plus noble que de savoir s’effacer pour mieux exister ? Etre courtisan, c’est mener une vie de service et de dévouement qui prend tout son relief lorsque le prince se laisse aller à quelques confidences… Et s’il faut adorer le Veau d’Or des temps modernes, le « bling-bling », le courtisan ne pourra que ramper un peu plus, position des plus adaptées pour avaler des couleuvres. Soupçonne-t-on seulement les qualités de maîtrise de soi nécessaires pour faire un bon courtisan ? C’est peu probable. Le réflexe pavlovien est de dénigrer le courtisan. Or, à l’heure de l’apogée du superficiel, le courtisan est porteur d’un message fort : l’inculture et l’inconsistance qu’habille le « bling-bling » rendent le mensonge intelligent. Il faudrait être bien ingrat pour ne pas le reconnaitre, le courtisan est un être exceptionnel, véritable ciment de la cohésion... Il s’agit là d’un point de vue possible sur la courtisanerie, vous en ai-je convaincu ? Les formes de récits permettent de construire les réalités dans lesquelles nous vivons collectivement quand bien même celles-ci relèvent-elles du storytelling. Un hold-up sur le sens (par le prince) est toujours possible, restons dans une écoute très vigilante.

Éditorial de Philippe Bigot
novembre 2014